Le Maroc est aujourd’hui engagé dans une réforme d’envergure de son système de santé. Conformément aux orientations royales et à la loi 09.22, cette transformation s’appuie notamment sur la mise en œuvre des Groupements Sanitaires Territoriaux (GST). À travers ce modèle, le ministère de la Santé vise à créer une offre de soins intégrée, plus équitable et mieux gouvernée, répondant aux attentes de la population et aux exigences de performance.
Dans cet article, nous revenons sur les principaux chantiers, les avancées concrètes, les leviers de transformation, ainsi que les défis à surmonter pour garantir le succès de cette refonte ambitieuse.
Les Groupements Sanitaires Territoriaux : une nouvelle architecture des soins
Depuis mars 2022, le Maroc a lancé un chantier de grande ampleur pour redéfinir l’organisation territoriale des soins. Chaque GST repose sur :
Un programme médical régional (PMR) basé sur l’analyse de l’offre et de la demande de soins par spécialité.
Une organisation cible structurée, intégrant les fonctions de pilotage, de soins, d’appui logistique, et d’innovation.
Un business plan sur 5 ans, avec des hypothèses économiques ajustées selon les réalités locales.
Une modélisation des processus métiers, visant à harmoniser les pratiques dans tout le Royaume.
La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima joue un rôle de pilote, avec une phase de mise en œuvre avancée, incluant l’intégration de près de 9900 professionnels dans la nouvelle structure.
La rémunération variable : un levier pour attirer et motiver
L’un des piliers de cette réforme repose sur la refonte de la politique RH, en introduisant un système de rémunération variable combinant performance individuelle et collective. Le modèle est fondé sur :
La productivité mesurée par les actes médicaux et paramédicaux réalisés.
La qualité de la prise en charge, évaluée par les pairs, la hiérarchie et les patients.
Des coefficients modulants (α, β) permettant d’ajuster les rémunérations en fonction des disparités locales et des fonctions managériales.
Un plafond global de rémunération, garantissant la soutenabilité financière de chaque GST.
Ce dispositif permet de récompenser équitablement les efforts des professionnels tout en limitant la fuite vers le secteur privé.
Infrastructures sanitaires : vers une offre modernisée
La réforme prévoit également la modernisation des infrastructures sanitaires à travers :
La mise à niveau des établissements hospitaliers et des 1400 centres de santé de première ligne (ESSP).
La structuration de la maintenance proactive, pour assurer la durabilité des équipements.
Des partenariats stratégiques, notamment avec la Fondation Mohamed V pour la solidarité.
Une attention particulière est portée à la qualité de l’accueil, aux services d’hôtellerie hospitalière et aux prestations externalisées (nettoyage, sécurité, intérim).
Systèmes d'information hospitaliers (SIH) : vers l’interopérabilité et l’efficacité
Le système ENOVA Santé, déployé dans l’ensemble des hôpitaux de la région pilote, constitue la base du SIH marocain. Il permet :
La gestion informatisée des dossiers patients.
Le suivi de la performance du personnel médical via des tableaux de bord.
La centralisation des données, avec des perspectives d’interfaçage entre établissements.
Cependant, des efforts restent nécessaires pour améliorer l’interopérabilité, la réactivité de la maintenance, et l’adoption par les professionnels de santé.
Amélioration du parcours patient : vers plus de fluidité et de qualité
Un objectif fondamental de la réforme est l’amélioration du parcours patient. Cela se traduit par :
La réorganisation des circuits d’accueil et de prise en charge.
Le renforcement des prestations de soutien (accueil, sécurité, orientation).
Une meilleure coordination entre les niveaux de soins (primaires, secondaires, tertiaires).
L’enjeu est également de limiter la migration des patients vers le secteur privé, observée après la transition du RAMED à l’AMO Tadamon, et d'assurer la soutenabilité du régime d’assurance maladie.
Un plan d’action structuré et des arbitrages cruciaux
Le comité de pilotage a défini une feuille de route claire pour les mois à venir :
Finalisation de l’organigramme cible et des effectifs.
Préparation des avenants aux marchés en cours pour sécuriser la continuité des engagements contractuels.
Élaboration du premier budget du GST.
Nomination des responsables et validation des statuts du personnel.
Des arbitrages sont attendus sur le statut des enseignants hospitalo-universitaires, les mécanismes de transition des postes à responsabilité, et la répartition des fonctions entre les structures absorbées.
une transformation systémique au service des citoyens
La refonte du système national de santé marocain s’annonce comme un tournant historique, avec des changements en profondeur tant sur le plan organisationnel, économique que technologique. Le modèle des GST, bien que complexe, offre une opportunité unique de rendre le système de santé plus performant, équitable et pérenne.
Chez Dataconsulting.ma, nous saluons cette initiative ambitieuse et suivrons avec attention sa mise en œuvre, dans une logique de transparence, d’évaluation continue, et d’innovation.